[histoire] L'effondrement

Les historiens ne s'accordent en rien sur les causes de ce qui est désigné par le terme effondrement. De même qu'ils ne s'accordent pas sur les causes des Déluges, ni sur les précédents historiques de ce type d'événements cataclysmiques. Ce qui reste certain est la fin de la suprématie de la technologie et de l'effondrement qui s'en suivit. La technologie, discipline d'étude des outils et des techniques, se fondait  sur une industrie vulnérable, fragile et particulièrement dépendante de ressources fossiles limitées (pétrole, terres rares, métaux rares, etc.). Associé à un total mépris des impacts multiples sur l'environnement, le culte de la technologie a mené à un épisode catastrophique une population humaine globalisée, disposant de moyens de communication massifs mais instables et de transports capables de pollutions à l'échelle de la planète. C'est aussi la conjugaison d'une capillarité inédite dans l'Histoire à une porosité extrême qui ont ensuite permis aux conséquences de l'effondrement d'être aussi dévastatrices.

Personne ne peut retracer l'événement premier qui fut à l'origine de la cascade de catastrophes qui composent l'effondrement.

Des explosions nucléaires en haute altitude ont été déterminantes pour mettre un coup d'arrêt à l'essor d'une civilisation de machines fondées sur la domestication de la foudre. Cet usage de la fission atomique comme arme de guerre a cumulé suffisamment d'entropie pour interdire irrémédiablement la maîtrise de la foudre. Cela eut pour effet initial de générer des anomalies électromagnétiques incontrôlables dans l'atmosphère. La conduction de la foudre, sous la forme d'un flux constant et dirigé, est ainsi devenue impossible ou, pour le moins, excessivement risquée. Depuis la fin de l'Apogée Moderne, l'utilisation de la foudre est susceptible de provoquer une anomalie redoutable baptisée daieshtar, ou démon-foudre. La manifestation n'est en rien démoniaque. Elle est similaire aux inanimatum des substances premières. Le daieshtar se comporte comme une contagion électromagnétique survivant aussi longtemps que l'énergie électrique reste disponible en quantité substantielle. Le phénomène reste inexpliqué à ce jour. Plusieurs théoriciens le rattachent à une porosité intempestive et anarchique avec d'autres primes. D'autres chercheurs y voient les vestiges d'une ancienne technologie pré-effondrement. Quelques rares farfelus clament que les manifestations électromagnétiques sont des émanations du chaos et d'un grand néant hypothétique sur lequel les multiples primes et univers seraient tous construits. Aucun de ces propositions n'a pu être validé à ce jour.

De nombreux savants datent l'émergence de l'entropie à la mise au point de la fission de l'atome. Ainsi, ils déterminent le point de départ de l'Effondrement. Les conséquences, quoique multiples, ont pour effet collectif et planétaire de changer les conditions de vie sur Terre. Un réchauffement durable, la fonte des glaciers et des pôles, l'élévation de la radio-activité atmosphérique, la disruption du champ magnétique planétaire et les bouleversements sur la faune et la flore sont parmi les changements majeurs. Les conséquences pour les populations, les communautés et leurs territoires ont également été radicaux. La fin brutale de la technologie, en tant que forme de confort et de standard mondial, a obligé les peuples à se redéfinir autour de valeurs anciennes que l'on croyait révolues.

Mais les effets collatéraux qui ont suivit l'Effondrement ont mis à mal cette dévolution voulue par beaucoup. Le dégel du permafrost sibérien, et son invasion par les eaux boréales du cercle arctique, ont conduit à ce que tous les biologistes et médecins de l'Apogée Moderne craignaient le plus, le déferlement successif de plusieurs pandémies meurtrières auxquelles personne n'était préparé. Ces phénomènes ont été accompagnés d'une longue période de dérèglement climatique alternant entre des canicules extrêmes et des précipitations abondantes et soudaines que les historiens baptisèrent Déluges en référence à des événements mythiques présents dans plusieurs téléologies religieuses. La prolifération de bactéries archaïques diffusées simultanément par le biotope, l'eau et l'air depuis la Sibérie et le Grand Nord Canadien tuèrent près des trois quarts de la population mondiale en l'espace d'à peine un siècle. Les Déluges sont aussi une période au cours de laquelle près de la moitié de la faune et un tiers de la flore ont disparues pour être supplantées par des espèces plus résistantes et souvent mieux adaptées aux nouvelles conditions de vie.

L'espèce humaine mit plus longtemps à s'adapter à ces nouvelles conditions. D'abord, parce qu'elle fut la plus impactée de toutes les espèces animales vivant sur la planète et, surtout, parce qu'elle ne présentait pas la même flexibilité biologique que la faune et la flore. Les pathogènes biologiques (bactéries mutagènes, virus protéiformes) ainsi que le niveau radiologique de certaines régions (plus touchées par des accidents nucléaires majeurs et des bombardements atomiques) entraînèrent des transformations d'envergure chez certaines populations, tant du point de vue morphologique que biologique et social. L'espèce humaine, en tant que famille zoologique, s'est scindée en plusieurs branches. Elles correspondent aux foyers plus ou moins étendus de populations ayant survécu aux cataclysmes de la période dite Effondrement et Déluges, puis ayant traversé l'Âge des Ténèbres en affirmant des caractères biologiques et socio-culturels propres à une construction ethnique distincte.

Les populations occidentales du continent, plus particulièrement les Gallicans du sud (Occitanie, Provence), ont subit des mutations morphologiques atrophiant radicalement leur constitution physique. Les Gallicans du nord et une grande partie des Germaniques démontrent à présent des caractéristiques dermatologiques et des anomalies congénitales spécifiques (nævii, vitiligo, alopécie totale), ainsi que des mutations du métabolisme dues à des modifications génétiques. Les populations du centre d'Euryaus sont également sujettes à des modifications morphologiques héritées d'une exposition excessive à des rayonnements solaires pendant l'Âge des Ténèbres (lentigo généralisé, décoloration oculaire, décoloration des cheveux). Les populations de l'est, majoritairement les russes, ont non seulement été modifiées par les agents pathogènes contenus dans le permafrost, mais aussi par les nombreuses sources de pollutions chimiques, industrielles et radiologiques qui ont détérioré l'environnement durant plus d'un millénaire. Sans compter qu'elles furent parmi les premières à appliquer des manipulations génétiques à grande échelle avant l’effondrement. Le pourtour méditerranéen, largement épargné des sources de mutations directes, n'a pu échapper à la transformation des espèces vivantes et de la flore, pas plus que d'être à l'abri du rayonnement solaire intensifié par l'effet de serre et par la disparition de certaines substances de l'atmosphère. Les transformations génétiques répétées dans les dernières décennies de l'Apogée Moderne ont certainement ont été des facteurs déterminants à la survie de l'espèce humaine.

La découverte puis la maîtrise des arcanes ont permis de réparer certaines erreurs du passé, et même de faire régresser certaines pollutions, notamment d'origine biologique. C'est ainsi que la plupart des pathogènes destructeurs ont été éradiqués, sans pour autant permettre le développement d'une forme d'immunité définitive pour les êtres humains. La radiance demeure le danger principal ainsi que certains agents pathogènes foudroyants, sous la forme de colonies de bactéries et parfois d'organismes complexes encore mal étudiés. Il subsiste quelques foyers de radiance extrême (dépôts de combustible enfouis, anciens sites de production d'énergie, vestiges d'armements nucléaires tactiques et stratégiques, entre autres...). Dans de nombreux cas, ces foyers sont aussi la source de mutations entropiques incontrôlables et remarquablement dangereuses. L'accès arcane à d'autres dimensions (primes, sanctuaires arcanes ou divins, naos mystiques, etc.) a également permis à des créatures extra-terrestres (originaires d'autres primes et parfois d'autres espaces-temps) de venir s'installer sur la planète et de prendre part à son histoire.

Cette succession de cataclysmes, de métamorphoses, de bouleversements, de découvertes et de reconstructions ont conduit le monde à l'état dans lequel nous le connaissons aujourd'hui.

Cit. Manuel d'Histoire moderne, Sage Arev, rév. 611 (C.O.)

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